Je suis un spécialiste de la protection sociale et du numérique, pourtant j’ai échoué à faire une démarche en ligne

Je vais commencer mon post par une anecdote.

J’ai voulu aider mon père, dans une démarche administrative en ligne qu’il n’arrivait pas à faire.

Aveuglé par mon ego et mes connaissances du sujet, j’étais confiant dans ma réussite.

Je connais l’établissement en question. J’ai confiance dans leur MOA.

Malgré ça, j’ai été surpris de trouver une interface aussi complexe.

Je m’attendais à trouver sur la page d’accueil un accès rapide vers un formulaire.

À la place, j’ai dû cliquer de lien en lien plus de 5 fois pour enfin avoir un point de départ.

Et encore, il s’agissait de se connecter via France-Connect.

France-Connect permet de s’identifier de manière sécurisée. Il récupère nos informations personnelles pour ne pas avoir à les renseigner une nouvelle fois.

J’ai réussi à me connecter, donc maintenant, je devrais pouvoir accéder à toutes les démarches liées à mon profil.

Rien ! En tout cas de satisfaisant. Notre situation est complexe, il aurait fallu pouvoir l’indiquer dans un formulaire.

Et personne pour nous aider. Le chatbot n’apporte pas de solution et il n’y a aucun numéro de téléphone ou de mail pour alerter. Je comprends la logique de ne pas vouloir engorger les standards téléphoniques, mais de passer de tout à rien, c’est un peu trop.

La seule solution étant de cliquer sur un bouton, pour demander un rendez-vous. Bien entendu, qu’on a cliqué dessus. Nous attendons toujours une réponse…

Dans cette situation, l’interface ne sert à rien.

Mon histoire fait écho à l’article de Monique Dagnaud « Services publics : le monopole d’Etat et de l’algorithme ». Services publics: le monopole d’État de l’algorithme – Telos (telos-eu.com)

Merci à Denis Maillard de m’en avoir parlé.

En tant que MOA qui exprime les besoins des utilisateurs, voici les recommandations que je fais pour avoir un service en ligne de qualité : 6️⃣

  • Ne pas tout miser sur le numérique, il faut garder un process papier en parallèle. Nous n’arriverons pas à éliminer le papier à 100%. Il faut réserver ce processus aux citoyens qui ont le plus de difficultés. Un lien humain et tacite entre 2 êtres vivants sera toujours plus efficaces.
  • Ne pas standardiser. Chercher une solution unique, en essayant de forcer les cas particuliers dans un standard, ne fera qu’ajouter de la complexité. Le numérique est un super outil de personnalisation, il faut exploiter son potentiel. Proposer plusieurs solutions selon les profils.
  • Faire des outils ergonomiques. Il faut trouver l’information rapidement et arrêter de devoir cliquer des dizaines de fois pour arriver sur la bonne page. Il faut penser à la personne qui va solliciter la demande qui n’est pas experte en informatique.
  • Penser aux agents. Les outils doivent être simples aussi pour les agents. Apporter toute l’information dont ils ont besoin pour répondre aux questions. Surtout, éviter de les faire intervenir uniquement au moment où la frustration des usagers est la plus forte.
  • Ne pas négliger la phase d’expression de besoin. Le MOA est là pour ça, il a besoin de temps pour exprimer le besoin de l’usager. Sinon, on va faire des logiciels qui seront super, mais pas adaptés aux usages des utilisateurs finaux. Si on travaille en cycle en v, on s’en rendra compte trop tard. On aura dépensé tout le budget pour un outil qui ne crée pas de valeur ajoutée.
  • Communiquer vers les citoyens. Il faut aider les individus les plus fragiles vis-à-vis des technologies. Cela implique de travailler avec des nouveaux acteurs, comme des associations d’usagers. Ça permet de tester les outils et d’avoir des relais auprès de la population. Le numérique, demande de bonnes relations humaines pour qu’il fonctionne correctement.

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