Bloqués dans le chômage

Expliquer la différence entre un chômeur et demandeur d’emploi n’est pas facile. Parfois, il est nécessaire de raisonner par l’absurde pour le démontrer. C’est ce que je vais faire avec un exemple de la pop culture.

Tout d’abord un rappel des définitions est nécessaire. 

Un chômeur au sens du BIT est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui est sans emploi, disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours et a activement cherché un emploi dans le mois précédent ou en a trouvé un qui commence dans moins de trois mois. 

La Dares et Pôle emploi comptabilisent les personnes inscrites comme demandeurs d’emploi à Pôle emploi. Parmi les cinq catégories d’inscrits (A, B, C, D, E), la catégorie A regroupe les personnes tenues d’effectuer des actes positifs de recherche d’emploi et sans emploi au cours du mois. 

Orel et Gringe dans la série Bloqués cristallisent les clichés qu’on peut avoir sur les personnes sans emploi : ils sont jeunes, ils sont en galère d’argent, ils glandent sur leur canap’ devant la télé, ils n’ont pas de valeur travail et sont mous voire je-m’en-foutiste. Quelle est alors la meilleure définition pour qualifier les casseurs flowters par rapport au chômage. 

1. Déjà je pense qu’on peut écarter le fait qu’ils soient inscrits à Pôle emploi, car dans la série, ils ne font jamais référence à cette organisation ou disent qu’ils touchent des allocations chômage. Ce qui est possible, car les personnages sont de jeunes adultes qui n’ont sûrement pas travaillés suffisamment pour ouvrir des droits à l’Assurance chômage. Il faut avoir travaillé au moins 6 mois dans les 2 ans, ce qui ne semble pas être leur situation car nous ne les voyons jamais quitter leur studio. Autre possibilité, ils ont une phobie administrative ou ne connaissent pas leurs droits et n’ont pas fait les démarches d’inscription à Pôle emploi. Là aussi entre 25 et 50% des personnes éligibles à l’Assurance chômage ne demandent pas d’indemnités. Donc, Orel et Gringe seraient des chômeurs au sens du BIT ? 

2. Non, ce n’est pas sûr non plus. L’énergie qu’ils démontrent semble indiquer que les efforts qu’ils font pour trouver un emploi ne sont pas suffisants pour les considérer comme des actifs. En outre, on sait dans un des épisodes, qu’ils enchaînent les petits boulots donc ils ne sont pas disponibles pour prendre un nouvel emploi ou sont sur le point d’en commencer un nouveau. Près de la moitié des allocataires de l’Assurance chômage travaillent, ne serait-ce que quelques heures dans le mois. Ce qui est sûr, c’est que ce sont des contrats courts qui ne doivent pas leur permettre de cumuler 6 mois de travail en 2 ans, et en plus on sait qu’ils démissionnent de leurs jobs, donc ils ne remplissent pas la situation de chômage involontaire pour ouvrir les droits. Donc, ils ne sont ni demandeurs d’emploi, ni chômeurs alors que sont-ils ? 

3. Au vu de l’OCU (Orelsan Cinematic Universe) que constituent ses albums et son film Comment c’est loin, j’aurais tendance à dire qu’ils sont malgré tout inscrits à Pôle emploi, même s’ils n’en parlent pas. Pour être plus précis, je dirais qu’ils sont des inscrits non indemnisés car comme Orel qui a un travail de gardien d’hôtel, il a un revenu supérieur au plafond du cumul revenu-allocation chômage. Vu qu’ils travaillent de temps en temps, ce ne sont pas des catégories A, mais des catégories B ou C, c’est-à-dire des personnes qui exercent des activités réduites

Ce qui est sûr c’est que les Casseurs Flowters à travers leurs rôles sont des précaires. Ils vivent dans une zone rurale « où l’chômage et la tisane forment un cercle vicieux », où les industries sont parties, les actifs ont quitté la campagne pour la ville et de fait ils ne restent plus d’emploi.Si on revient sur l’épisode #6 Pourquoi j’ai démissionné, ils exprimaient déjà en 2015, le malaise des jeunes post-covid vis-à-vis de leur travail comme du « quiet quitting » ou de la grande démission, car ils sont mal payés, ne sont pas en accord avec les valeurs de l’entreprise, ils ont des jobs qui n’apportent pas de sens, ni des contrats longues durées. Au cours des 20 dernières années, le nombre de CDD de moins d’un mois a été multiplié par 2,5 en France. Ces contrats concernent des emplois peu qualifiés, souvent occupés par des jeunes et des femmes.

Bien que les personnages sont simples et basiques, en prenant le temps de réfléchir, ils sont bien loin des clichés que l’on peut avoir sur les chômeurs/demandeurs d’emplois, ce sont bien des jeunes actifs qui sont stigmatisés car ils ont du mal à trouver leur place dans une société qui leur met des bâtons dans les roues : ils sont bloqués dans une situation de précarité, ils ont pourtant fait des études, mais elles n’ouvrent pas les portes des emplois stables, leur insertion difficile sur le marché du travail font qu’ils n’accumulent pas assez d’expérience pour progresser. Pour trouver du travail, ils devraient quitter leurs régions mais n’ont pas envie de s’éloigner de leurs familles et de leurs repères. Ce sont aussi des personnes talentueuses qui n’arrivent pas à s’exprimer comme ils le voudraient et manquent d’accompagnement et de bons conseils. Le titre de la série dit tout, ils sont « bloqués » dans une France rurale, sinistrée que nous ne questionnons jamais pour apporter des solutions aux citoyens, a minima des emplois et des revenus garantissant un pouvoir d’achat suffisant à leurs besoins. 

Ce qui est sûr, c’est que la série m’aura permis de vous expliquer un certain nombre de concepts, de définitions et de chiffres clés sur l’Assurance chômage

Dîtes moi en commentaire, quelle est votre œuvre préférée d’Orelsan ou des casseurs Flowters ?

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